La commémoration : du cadre national aux décisions locales.

 

Comment donner plus de sens aux commémorations?

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La prise de conscience précoce d'un drame humain

 

Avant même la loi du 29 décembre 1915 qui institue l'appellation « mort pour la France », et accorde aux soldats ayant ce statut une sépulture perpétuelle aux frais de l'Etat, on se préoccupe des pertes humaines déjà nombreuses pour la commune.

C'est tout d'abord M. Jardry, Inspecteur primaire qui, dès novembre 1914, suggère au directeur de l'école de garçons de « dresser le tableau des anciens élèves morts pour la patrie, ainsi que celui des citoyens de la commune1 ». D'après M. Martin , l'instituteur, 13 anciens élèves de l'école et 11 citoyens « sont tombés au champ d'honneur » en octobre 1915. Leur nom est inscrit sur un tableau encadré qui représente « la jeunesse de Chapu »(sculpture actuellement au musée d'Orsay). Ce tableau, précise l'instituteur, est suspendu « au mur du corridor de la 1re classe, et tous les jours, les enfants défilent devant »2.

La municipalité quant à elle, avait établi, lors de la réunion du 14 mai 1915, une liste des soldats morts pour la patrie.

 

La mise en place progressive de la commémoration

 

Ce n'est cependant qu'à la 11è heure du 11è jour du 11è mois de la 5è année du guerre (qu'on appelle la « Grande Guerre » depuis 1915) que sonne, sur le champ de bataille, le clairon de l'armistice. Cela déclenche une véritable liesse populaire dans toute l'Europe, et particulièrement en France.

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Le 27 novembre 1918, le Conseil Municipal de Barbezieux vote ainsi « une adresse aux soldats alliés et aux membres du gouvernement » Toutefois, le 11 novembre 1919 est fêté dans une relative discrétion : en effet, si, le 14 juillet 1919, avait eu lieu à Paris l'immense défilé de la victoire, le 2 novembre (le premier jour des morts depuis la fin de la Grande Guerre), est commémoré par les familles dans une approche intimiste. La loi du 25 octobre 1919 relative à la commémoration et à la glorification des morts avait cependant déjà été adoptée. Cette loi institue, dans chaque commune, la tenue d'un livre d'or, ce livre devant être tenu à disposition des habitants. Elle invitait aussi les communes à prendre toute mesure pour glorifier les soldats morts pour la patrie.

On ne trouve toutefois aucune référence à cette loi dans le registre des délibérations de la commune de BarbezieuxLe livre d'or de la commune n'a pas non plus été retrouvé. En revanche, le compte moral présenté annuellement, mentionne, à propos des décès comptant les « mouvements de population » le nombre de transcriptions concernant les Barbeziliens morts pour la France. Par exemple, à propos des 72 décès enregistrés pour 1916 : « Nous avons eu, en plus, 17 transcriptions de décès de Barbeziliens morts pour la France, et une vingtaine en 1915 ». Par ailleurs, Le Barbezilien du 27 novembre 1920, annonce que la commission du Conseil Municipal chargée d'étudier le projet du monument des morts pour la France, a établi la liste des militaires concernés. Le journal qui publie cette liste, fait savoir que cette dernière est affichée à la mairie, en vue de rectifications.

 

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L'importance de la commémoration à partir de 1920

 

C'est à partir de 1920, l'année où la République fête ses 50 ans, que se met en place une intense activité commémorative, à la fois privée et publique. Le rappel de la « mort de masse » est partout. Les Anciens Combattants ont joué un rôle particulièrement actif, pour empêcher que ne tombent dans l'oubli leurs camarades blessés, morts ou disparus. La commune de Barbezieux avait d'ailleurs décidé, dès le 2 février 1916, de soutenir financièrement le comité de secours des mutilés de la guerre.

La place prise dans l'espace public par les soldats morts pour la patrie, se matérialise par la multiplication des monuments commémoratifs. Si la loi du 25 octobre 1919 constituait une sorte de prémice à l'édification de tels monuments, celle du 31 juillet 1920 fixe les conditions d'attribution d'une subvention versée par l'Etat aux communes.

L'action des Anciens Combattants enfin, est décisive pour l'adoption de la loi du 24 octobre1922, qui fixe au 11 novembre la commémoration de la victoire, et fait de ce jour, un jour chômé.

Dorénavant, la commémoration acquiert une sorte d'unité tragique :

-unité de temps : le 11 novembre

-unité de lieu : le monument aux morts

-unité d'action : la cérémonie commémorative

1Cahier de l'instituteur de Barbezieux, M.Martin, p 73, www.archives16.fr

2Nous n'avons trouvé aucune trace de ce tableau

 

Autres formes prises par la commémoration

 

Le culte des morts et le respect de leur mémoire a pris d'autres formes encore, parmi lesquelles :

- de nombreuses lois dont celles relatives à la création d'une tombe du soldat inconnu, à l'aménagement de cimetières ou à l'entretien des sépultures des soldats.

Ainsi à Barbezieux, le 28 mai 1920, le Conseil doit décider, en vertu d'une circulaire ministérielle, « si la commune accepte de passer avec l'Etat une convention aux termes de laquelle elle assurera l'entretien des sépultures militaires sous le contrôle de l'autorité militaire, moyennant une redevance de 5 fr par tombe et par an, ou si elle désire voir attribuer cette convention au Souvenir Français ». Le Conseil Municipal décide de confier l'entretien des tombes au Souvenir Français.

Le 28 juin 1921, en aplication du décret ministériel du 30 mai, la municipalité décide d'accorder des concessions perpétuelles et gratuites aux « soldats morts pour la Patrie ».

- les opérations d'exhumation et de réinhumation des corps des soldats : en France, elles sont permises par la loi 31 juillet 1920. Alors que l'Etat tenait à garder ensemble ceux qui avaient concouru à la victoire, beaucoup de familles ont considéré que le sacrifice de leurs enfants avait suffi, et qu'il était temps de les leur rendre.( voir fiches des soldats)

- les décorations à titre posthume, permises par le décret du 12 juin 1921, et dont bénéficie, par exemple, Pierre Viaud, tombé au champ d'honneur en 1915, et décoré en 1922, de la croix de guerre avec étoile de bronze (« Brave sergent tué à l'ennemi le 7 avril 1915, au combat de Beauséjour, en accomplissant son devoir », Le Barbezilien, 28 février 1922).

Les commémorations s'organisent d'ailleurs pendant toute la décennie

Ainsi, la réunion du Conseil Municipal du 10 juin 1929 évoque la journée nationale pour l'achèvement des 4 grands monuments du front (Lorette, Douaumont, Dormans, Hartmanswillerkopf), et l'autorisation donnée aux comités qui s'en occupent, de procéder à des ventes « devant servir à l'achèvement des monuments ». Le Préfet demande au Conseil, de former un comité chargé de l'organisation de cette vente, fixée au 14 juillet . La vente de petits drapeaux, carnets de timbres, cartes postales, a d'ailleurs rencontré un succès certain à Barbezieux.

Enfin, 14 décembre 1933, le Conseil Municipal adopte une proposition du Souvenir Français « tendant à transférer dans un même carré au cimetière communal, les corps non réclamés des militaires décédés pendant la guerre ».